Olivier Perrot

Paysages

2014
Une Série de photogrammes
Tirages digigraphies 30×40

Sur les photogrammes d’Olivier Perrot

Un peu comme Armand Gatti le fait avec les mots, Olivier fabrique des images quantiques qui ont la vitesse et la fugacité d’une connexion entre neurones. Il indique sans les capter les étincelles, les traces fugitives d’un geste qu’aucun cadre ne stoppe, qu’aucun regard ne piège. Elles sont toujours, déjà, ailleurs, ou elles ne sont pas encore là. C’est de la photographie sans appareil, oui, des photogrammes comme William Henry Fox Talbot ou Man Ray, mais c’est aussi et surtout, si l’on s’en tient au verbe poeïen, de la poésie sans les mots. Ses images lui échappent car elles ne sont pas d’accord pour n’être que des images, elles qui vivent en-deçà et au-delà de la rétine, à l’intérieur même du cerveau, où elles précèdent toute pensée et tout ressenti sans jamais s’arrêter au sens qu’on veut fixer. Elles sont jeunes encore, nouvelles nées, instables, électriques et non domestiquées, parcourues de frissons, hors cadre, amicales mais presque sauvages, chargées de la puissance du devenir, en germe mais déjà très actives, en route vers leurs possibles, la trace dans l’air d’une flèche plus que la flèche elle-même, comme certains dessins sur les parois des grottes. Le souvenir instantané, l’énergie pure, un élan sans fin vers un monde aux arborescences si complexes qu’on dirait qu’elles ne s’arrêtent jamais. Une image «à l’état naissant » comme l’oxygène des physiciens. Ces images oxymoriques et facétieuses suggèrent peut-être quelque chose, qu’elles balbutient minutieusement, comme un infini en mouvement, si c’est possible, dont on soupçonne l’existence mais qu’on sait ne pouvoir nommer. Elles emmènent l’esprit vers un lieu qui ne peut se dire, qui n’est jamais ça ni autre chose, comme l’écrivain cherche et creuse entre les mots, entre les lignes et les concepts, en envoyant valser et s’entrechoquer vocables et rythmes pour que surgisse l’indicible, ce qui le meut au fond de lui. Le permanent et l’éphèmère ne font qu’un, l’immobilité contient le mouvement, le mouvement recèle l’immobilité. Sans que l’on puisse savoir comment ce langage se fraye un chemin jusqu’à nous, parvient à nous parler en éveillant ce qu’on laisse en sommeil. Ce que l’on appelle art.
Le langage dont se sert un homme pour dire aux autres ce qu’il est impossible de dire.
Nicolas Roméas 2015